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Au Danemark, à chaque ferme ses solutions pour la transition environnementale

Les chèvres sont issues d’une race danoise ancienne. Elles sont adaptées au climat et résistantes aux maladies.

La France Agricole a visité quatre fermes au Danemark, chacune avec ses enjeux. Les agriculteurs rencontrés expliquent comment ils ont intégré la transition agroenvironnementale dans leurs pratiques. Tour d’horizon des astuces danoises.

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S’il y a bien une chose qu’on remarque en promenant nos yeux sur le paysage danois, ce sont elles. Les éoliennes, souvent par deux ou trois, sont implantées dans chaque panorama agricole. Le pays a toujours été en avance dans la transition énergétique. Et les agriculteurs ont aussi pris le pas.

Durant un voyage organisé par la Commission européenne, nous sommes allées à la rencontre de quatre agriculteurs dont trois en agriculture biologique. Tous résident sur l’île de Seeland, où se situe Copenhague, la capitale, à l’est du pays. 11 % de la SAU danoise est consacrée à l’agriculture biologique, c’est 2 % de plus qu’en France. Chacun d’entre eux nous a expliqué comment, à leur manière, ils intègrent les enjeux de durabilité environnementale dans leur ferme.

Frank : adapter son recours aux engrais

La ferme de Frank Keinicke Nielsen est une « ferme danoise traditionnelle », soutient une Danoise en visite sur l’exploitation. À 34 ans, il exploite seul 340 hectares de cultures (blé, seigle, colza, pois et épinards) à l’ouest de l’île de Seeland, à Ruds Vedby. Il forme un jeune à temps plein sur la ferme. Son père, à la retraite, l’aide pendant la période des récoltes. En agriculture conventionnelle, il opte pour une utilisation raisonnée des pesticides et engrais. Cela passe d’abord par l’équipement GPS d’un tracteur. « Avec ça, je sais où ma culture est bonne et où je n’ai pas besoin de fertilisants. Les satellites me permettent de savoir quels plants ont besoin d’engrais », explique-t-il devant son tracteur.

Surtout, il a trouvé une solution locale pour se fournir en intrants et réduire les achats d’engrais. Il récupère des résidus de production de produits pharmaceutiques de l’entreprise danoise Novo Nordisk qui fabrique de l’insuline pour les personnes diabétiques. Une usine de biogaz transforme les résidus de la production d’insuline. Une fois ces derniers transformés en biogaz, une dernière matière reste : c’est elle qui sert de fertilisant pour les champs de Frank. Il les stocke dans les anciennes fosses à purin, auparavant utilisées pour des cochons. Une solution à moindre coût pour l’agriculteur ? « Je suis même payé pour ça », sourit-il.

Mia et Steen : réduire le coût écologique et financier d’un verger

En reconversion, Mia et Steen, la cinquantaine, ont repris un verger de pommes et poires sur 5 hectares, à 40 kilomètres au sud de l’exploitation de Frank, à Korsør. Ils ont craqué sur la maison, avec une vue splendide sur le verger et la mer. Novices en la matière, ils ont tout appris « de livres, d’internet et de leurs voisins », sourit Mia devant son verger face à la mer.

Ils ont converti la ferme en agriculture biologique. « C’était quelque chose qu’on sentait qu’on devait faire », explique, a posteriori, Steen. Cette transition a un prix. Avec des variétés d’arbres prévus pour le conventionnel, ils ont perdu près de 60 % de leur production en passant de 26 tonnes de récolte à 10 tonnes. Cette baisse de productivité les a obligés à trouver de nouveaux débouchés pour dégager un peu de rentabilité.

Leur chambre froide, avec des coûts d’énergie « très élevés », a été transformée en atelier de transformation (cidres, vinaigre, jus, sorbet en bâtonnet) pour mieux valoriser les pommes les moins belles. L’électricité pour la transformation est apportée en totalité par des panneaux solaires sur le toit de l’atelier. L’Union européenne a pris en charge la moitié de l’investissement. Un apport bienvenu pour le couple, qui aujourd’hui, ne parvient pas à tirer un revenu pour deux personnes, après quatre ans sur l’exploitation. « Il faudrait doubler la taille du verger » et apporter des nouveaux pieds de pommier, explique Steen.

Christian : quand écologie rime avec économie

À quelques kilomètres du verger, une bien plus grande ferme se dévoile sous les bâches blanches des serres. Christian, 31 ans, a repris l’exploitation familiale située à Skælskør. 800 hectares, répartis sur deux sites avec une production fruitière (fruits rouges, fraises, framboises), du maraîchage (courges, courgettes…) et de grandes cultures (blé et orge). Pour l’agrimanager, une ferme est « une entreprise comme une autre » et doit être menée comme tel.

C’est pourquoi ses choix sont guidés par les préférences du consommateur et la durabilité. L’un de ses deux sites est en agriculture biologique. En mettant en place des bandes enherbées sur l’exploitation, il a constaté une baisse des attaques de ravageurs. Pour l’autre site en conventionnel (fraises et framboises, en hors-sol), l’agriculteur utilise des panneaux solaires pour alimenter la chambre froide. Une production qui « tombait sous le sens, soutient le jeune agriculteur. Notre consommation d’électricité culmine l’été pour maintenir au frais nos fruits. C’est généralement au même moment que le soleil brille ! »

Pourquoi choisir le maraîchage ? « La consommation de viande devra baisser à l’avenir. Nous constatons une augmentation de la consommation de fruits et légumes. Cela donne des opportunités de se développer », examine Christian. La vente de ses produits dans des magasins de moyenne et haute gamme lui permet de tirer un revenu pour lui et ses employés, dans un pays où les habitants sont encore attachés à la localité de leur production.

Claus et Summer : l’originalité permet la rentabilité

Chez Claus et Summer dans le centre de l’île de Seeland, à Jystrup, c’est l’originalité de leur production qui fait leur force. Leur fromage de chèvre « comme en France », mais sans grande concurrence au Danemark, leur permet de se démarquer, et de financer un système herbager en pâturage tournant. Sur 13 hectares, l’agriculteur a 40 parcelles. Il change les chèvres de paddock tous les jours. L’élevage est en agriculture biologique mais le fromage n’est pas certifié, « trop de paperasse », glisse Summer dans son atelier de transformation. Même sans label, la production des 70 chèvres leur permet de se verser à tous les deux un salaire. Le litre de lait est vendu 50 couronnes danoises (6,70 €) et les crottins 70 couronnes (de 6,50 € à 9,50 €). Même si le coût de la vie est légèrement plus cher au Danemark, ces produits restent destinés au haut de gamme. Claus travaille encore trois jours par semaine à l’extérieur, mais il arrêtera l’année prochaine. « On n’en a plus besoin maintenant », se réjouit l’agriculteur.

Il est particulièrement fier de son installation en pâturage tournant. Si la pratique est courante en France, Claus est l’un des seuls du Danemark à l’utiliser pour améliorer la qualité de ses sols et augmenter la productivité de ses chèvres. Elles sont issues d’une race danoise ancienne. Elles sont adaptées au climat et pâturent parfois jusqu’au début de novembre. Elles sont aussi plus résistantes : « On n’a pas appelé de vétérinaire depuis cinq ans », sourit l’agriculteur. Le couple espère développer sa production « jusqu’à ce qu’on puisse répondre à la demande ». Déjà, près de cinquante jeunes chèvres devront rejoindre le troupeau à partir de l’année prochaine.

Au Danemark, la transition agroenvironnementale est une évidence, partagée par les agriculteurs. Signe que le pays est en avance sur la question, il est le premier à avoir lancé une taxe sur le méthane émis par le bétail et amorce une renaturation de 15 % des espaces agricoles. 60 % de la surface du pays est consacrée à l’agriculture, quand elle représente 45 % des terres en France.

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